Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
association culturelle thafath
14 mars 2009

farid ali

678_farid_ali_homage

Le chantre chante la révolution

Il y a des voix sophistiquées qui portent plus loin que les armes sophistiquées ", se plaisait à affirmer Ali Zaâmoum à propos de la chanson engagée. Farid Ali en est un précisément exemple.

Farid Ali, de son vrai nom Ali Khelifi, est né les 9 janvier 1919 à Ikhlefounen, dans la commune de Bounouh. Après de brèves études chez les Pères blancs, études couronnées par l’obtention d’un certificat d’études professionnelles (CEP), il quitta son village natal en 1935. Ali débarqua à Alger. Il exerça le métier de cordonnier à la rue Randon. Dans les années 1940, déjà, il fréquentait assidûment les Ali Qadareine, Ahmed Oummeri " bandits d’honneur ", qui ne faisaient que se rebeller contre le joug français.

Dès la fin des années 1940, il partit comme bon nombre d’Algériens à Paris. Là, de café en café, d’une rencontre à une autre, il fut envahi par des idées nationalistes auxquelles il ouvrit son cœur. Et, encouragé par les différents chefs d’orchestre du moment, Mohamed El Kamal et Mohamed Al Jamoussi, et, plus tard, par le notoire Amraoui Missoum, Farid Ali, l’artiste engagé, le chanteur à la voie cristalline, se consacra à la musique. En effet, il participa aux deux récitals organisés par Mohand-Said Yala à la salle Pleyel (Paris), en compagnie de Mohamed El Kamal, Allaoua Zerrouki, Mohamed Al Jamoussi et les frères cubains Baretto en 1949. Il était programmé pour un numéro de claquettes dont il était virtuose. Dans son café à Boulogne, il noua des amitiés avec tous les artistes qui venaient interpréter leur vie, chanter leur amour et crier leur nostalgie du pays natal. En 1951, à suite d’un attentat contre un responsable de l’ORTF, une radio française, Farid Ali est  soupçonné et accusé. il est expulsé de France. De retour au pays, il séjourna tantôt dans son village natal (Bounouh-Boghni) tantôt à Alger où il activait au sein du PPA/MTLD et comme tout nationaliste, il était obligé de se  déplacer sans cesse et même de se déguiser.

A l’époque, une attestation de la Sacem(Société des auteurs, compositeurs, editeurs et musiciens)  était une carte administrative reconnue, mais son casier judiciaire n’étant pas vierge à la suite de ses démêlés  avec la justice françaises il fut obligé de demander à cheikh Nourredine de le parrainer pour bénéficier de cette fameuse carte. Elle lui ouvrira les portes de la radio d’Alger où il enregistrera plusieurs chansons avec Cheikh Nourredine dont " Z’har ulac,  Miss el ghorba, Anda telidh…

Refusant la sédentarité, et toujours à la recherche d’un but imperceptible, il repartit en France vers 1954-1955. Le chanteur à la voix merveilleuse, l’artiste maquisard qui fera entendre la voix de l’Algérie opprimée fut animateur, en 1955, de la célèbre émission de l’ORTF d’où est sortie une pléiade de nos meilleurs artistes et chanteurs tels que Missoum, Med El Kamal, Slimane Azem, Iguerbouchene, pour ne citer que les plus connus. Missoum et le réalisateur Abder Isker, lui reconnaissant son côté paternel, son don inné de formateur, l’associent à leur émission Chanteurs amateurs  avec la regrettée H’nifa. De cette émission, naissent Akli Yahiaten, Taleb Rabah, Oukil Amar et d’autres stars…

Militant actif de la Fédération de France, il était activement recherché, ce qui l’obligeait à se déplacer continuellement.  En 1956, l’armée française l’arrêta à Bounouh. A la prison de Draâ El Mizan, il vit toutes les couleurs de la torture.

Libéré en 1957, il s’engagea dans la lutte libératrice. Entre 1957-1958, Radio-Paris produit quelques sketchs et pièces radiophoniques où Farid Ali tient différents rôles.  Deux sketchs comiques et deux autres pièces de théâtre sont encore disponibles dans les archives sonores du fonds Radio-Paris. Les deux sketchs en question sont : " Kirdouch et le marchand de loterie ", enregistré le 9 novembre 1957, et " sin yeghyal dheg micro " (Deux nigauds au micro), enregistré le 15 décembre 1957. En été 1958, avec d’autres artistes algériens, Ali fit partie de la  troupe artistique du FLN en tant qu’interprète. Il émitauprès de Mustapha Kateb et de Mustaphe Sahnoun le vœu de chanter en kabyle ; avec leur approbation, il composa la nuit même la chanson que nous connaissons tous Ayema aâzizen ur tt’ru  (O ! mère chérie ne te lamente pas) et le lendemain, il la mit en musique. l’enregistrement eut lieu à Tunis, le refrain fut repris par tous les djounoud, et comme se plaisait à dire Farid Ali : " il venait d’enfanter la meilleure chanson du monde ". Le titre sera diffusé pendant tout le reste de la guerre d’Algérie sur les ondes de Radio-Tunis. La troupe entama une tournée à travers la Libye, la Chine, l’Egypte, le Maroc, la Yougoslavie… En Yougoslavie, en 1959, à la Maison Yougatov le disque Chants d’Algérie d’hier fut enregistré avec reprise de tous les chants patriotiques célèbres dent" qassamen ", trois chansons dont deux en kabyles Ya hmama en arabe furent interprétées par Farid Ali. Cet album de deux  disques regroupait dix-sept chansons ; véritables mosaïques du patrimoine chanté algérien. De nombreuses chansons de Farid Ali ont la même fibre patriotique. Elles interpellent ces âmes révoltées, mobilisent ces cœurs meurtris et incitent le peuple au soulèvement contre l’ordre colonial. Abrid ik-yehwan awi-t (Prends le chemin que tu veux !) est l’une des chansons les plus explicites quant au sens militant qu’il veut répandre et partager avec ses frères et son pays trop mutilé jusque-là.  Vint l’indépendance, il rentra au pays où il enregistra quatre titres à la Maison Philips, continua sa tournée à travers le pays et prit en gérance un restaurant à la Rue des coqs qui se transformera en un relais d’artistes et combattants de la cause nationale.

En 1964, à la suite de la crise politique de l’Algérie, il est l’hôte de la prison de Berrouaghia. Il est libéré en 1965. Il rentre au pays, puis pour des raisons de santé, retourne en France en 1977, pour rentrer définitivement, en 1978. Admis à l’hôpital de Boghni, le patriote et illustre Farid Ali rendra l’âme le 19 octobre 1981, à l’âge de 62 ans. Il est inhumé à Bounouh. Ce n’est que le 5 juillet 1987 qu’une distinction lui est décernée par le président Chadli Bendjedid.  Avec un parcours plein d’événements, une vie riche et difficile à cerner, Farid Ali demeurera ce patriote révolutionnaire, cet illustre artiste et ce sujet de l’histoire que la mémoire collective retiendra et saura lui rendre ses lauriers un jour.

Ses chants patriotiques et son militantisme avéré ne sont en réalité qu’un cri arraché d’une âme dévouée à l’Algérie. Les quinzaines de chansons que nous a léguées Farid Ali montre qu’il fut en effet, l’homme d’une œuvre nationaliste et militante.

Assez connu dans le milieu artistique et admiré par un grand public, le répertoire du maquisard demeure méconnu et  inexploré.

Publicité
Publicité
Commentaires
association culturelle thafath
Publicité
Publicité